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Graine de génie

Profondeurs de la caricature

Tiens, voilà un album drôle et rafraichissant, qui s'inscrit dans la lignée, tant par l'humour que le trait, de l'exellentissime Quentin Blake.

Auteur et illustrateur, encore peu traduit, Simon James nous offre ici un album très amusant d'un bébé qui veut être génie avant que d'être enfant. Son style, à la Blake, proche de la caricature, avec des traits à l'encre réhaussés à l'aquarelle, sert à merveille son texte court et tonique. Une petite fable qui interroge ces parents qui veulent toujours que leur enfant soit mieux que les autres. Un livre qui ravira les enfants, toujours enchantés de voir des plus petits qu'eux faire des choses incroyables.

Profitons en pour parler donc de Zagazou, que je tiens pour la merveille de Quentin Blake (mais vue l'épaisseur et la qualité de la bibliographie, c'est chose difficile). Dans cette histoire à plusieurs niveaux de lectures, on partage la vie d'un couple qui voit arriver, comme par surprise, un bébé dans sa vie... Un bébé qui se transforme en une multitude de monstres : bébé vautour aux cris déchirants, bébé éléphant encombrant, ou même d'un bébé phacophère désobligeant. Une animalerie caustique, sous le trait de ce caricaturiste de génie, qui évoque en raccourci les différentes étapes de nos vies via les transformations physiques et psychologiques - ici spectaculaires - qui les accompagnent. Drôle, forcément.

Pour commander ces livres :
- Quentin Blake, Zagazou Poche : Folio Benjamin, Gallimard, 32 pages, 2001, ISBN : 978-2070548224, 5,5 euros. Amazon.fr - Fnac.com - Version grand format : Gallimard, 1999, ISBN : 978-2070526659, 13,11 euros. Amazon.fr - Fnac.com (pas disponible).

- Simon James, Bébé Génie, Pastel, Ecole des loisirs, 22 pages, ISBN : 978-2211078283, 13 euros. Amazon.fr - Fnac.com

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La fessée en débat

Pour libérer la parole de ceux qui en recoivent et culpabiliser ceux qui en donnent

Voilà un livre qui fait naître le débat : êtes-vous pour ou contre la fessée ? Vous me direz, comme le montre très bien les auteurs, cela dépend de quel point de vue on se place : selon que l'on est du camp de ceux qui les donnent ou de ceux qui les reçoivent, votre point de vue sera assurément différent. Et bien voilà un livre qui nous fait entendre le point de vue de ceux qui les reçoivent - et qui prennent cela bien à la légère finalement - afin de culpabiliser un peu ceux qui les donnent.

Et pourtant, c'est dans l'autre sens que commence cette histoire à tiroir - où l'on compte jusqu'à trois récits différents, bien marqués et mises en abîme jusque dans la mise en page. Une mamam moderne commence par nous expliquer pourquoi on ne doit pas donner de fessée à son enfant, alors que celui-ci, ne cesse de la déranger pour lui rappeler qu'elle est en retard. Cette première partie, composée de grands dessins d'enfants, très moderne, où le graphisme bouscule la mise en page, jusqu'à prendre la place du dessin, est assez drôle à raconter et rappelera aux enfants leur quotidien, tout en les faisant rire de se retrouver mis en situation là.

La complicité instaurée, le récit peut passer au coeur du problème. La seconde partie donne la parole aux petites victimes, qui avec philosophie, simplicité, et humour, évoquent les fessées telles qu'ils les connaissent ou les imaginent.

Puis vient l'histoire elle-même, celle qui donne son titre au livre, avec son dessin un peu plus travaillé, comme celui d'un livre ancien. Le conte du prince coupé en deux par une fessée est une fable qui explore la dualité du ressenti des enfants face à cette douloureuse pratique qui les accable. Une histoire allégorique et un peu désuète, qui désavoue la volée, les peurs qu'elle provoque et l'injustice qu'elle engendre.

Les textes d'Olivier Douzou montrent, comme toujours, un grand sens du récit et des dialogues. Et les dessins de Frédérique Bertrand, sa complice de nombreux albums aux éditions du Rouergue notamment, laissent ici place à une inventivité construite et intelligente.

Bien évidemment, les enfants ne seront même pas surpris que tout cela se termine par une fessée. C'est à croire que les parents sont finalement bien prévisibles.

Pour commander ce livre :
- Olivier Douzou (textes), Frédérique Bertrand (dessins), Le conte du prince en deux ou l'histoire d'une mémorable fessée, Seuil Jeunesse, 2005, 54 pages, 14,9 euros. ISBN-10: 2020816873. ISBN-13: 978-2020816878. Amazon.fr - Fnac.com

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Faire une place à Minuscule

Une chaîne poétique et délirante

Je ne connaissais pas Hélène Riff avant que de louer ce Tout petit invité. Quel plaisir ! Quel fraîcheur ! Autant dans les trouvailles graphiques que langagières. Cadrages étranges, personnages fragiles, à peine esquissés, mise en page brouillonne et pourtant savamment agencée.

Sur le thème de la difficulté de faire de la place à un nouveau venu (le bébé), elle nous déporte dans une joyeuse chaîne humaine, de mains tendues mais occupées, de la maman jusqu'au papa (amusant que ces deux personnages là composent le début et la fin de la comptine), en passant par une ribambelle de personnages improbables et loufoques (frères, soeurs, rhinocéros...). Alors que le bébé frappe à la porte, tout le monde est affairé et personne n'est disponible pour l'accueillir. Absorbé à ses activités égoistes et farfelues, chacun se renvoie la balle, de page en page, dans une longue chaîne de personnages, semblable à l'accordéon des pages du livre. La forme rejoint le fond dans une formidable farandole de crayonnés et d'aquarelles.

Un album décalé et moderne, où l'humour du trait fait écho à l'humour du texte :
"- ... si je mélange mes doigts, je ne saurai plus mon âge.
- attends, je vais les tenir, moi, mes doigts pour toi."


La ronde des personnages file et danse sous nos yeux, incongrue, délirante. Un vrai bonheur. J'adore.

Pour commander cet album :
- Hélèe Riff, Le tout petit invité,  Albin Michel Jeunesse, 2005, 30 pages, 14,9 euros, ISBN 2226168389.
Amazon.fr - Fnac.com 

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Pourquoi on s’aime ?

Un moment de tendresse entre une maman et son enfant

Voici l’histoire toute simple d’un ourson plutôt sage qui accompagne sa maman affairée à ses tâches quotidiennes. Alors qu’ils pêchent ou récoltent du miel, le petit ourson gourmand pose à sa maman des questions évidentes et saugrenues, avec les circonvolutions de l’expression enfantine.

« Maman, pourquoi tu m’aimes ? » pourrait être le refrain de ce petit livre charmant qui dit la tendre complicité entre une maman ours et son petit ourson. Les enfants s’identifient à cet ourson espiègle et projettent leur propre mère dans cette maman ours gentille et décidée.

Mis en valeur par les superbes gouaches de Tadao Miyamato, les personnages ont une douceur et une rondeur très attachante. Jouant sur la répétition des formes et des personnages, le dessin reste à la fois simple et travaillé. Hormis quelques actions, les illustrations semblent plutôt répétitives, mais c’est pour mieux travailler l’expression des personnages bien souvent entièrement concentrée dans la tournure de leurs yeux et donner plus de reflet au texte.

Une histoire simple et tendre à réserver aux plus petits, même si les plus grands sauront toujours être touchés par cet ourson impénitent.

Pour commander cet album :
- Tadao Miyamato, Ma maman et moi, Mango Jeunesse, 1997, 32 pages, 6 euros, ISBN 2740411367.
Amazon.fr - Fnac.com

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Délicieusement allumé

Une série à découvrir

Sven Nordqvist est l'un des talentueux auteur-dessinateur de la nouvelle scène jeunesse suédoise, comme le rappelait Charlotte Lindgren pour Ricochet. Traduit dans le monde entier, ses livres y connaissent un vrai succès - avec tout le merchandising associé - , notamment sa série phare, "Pettson et Picpus".

Autant le reconnaître, je ne connaissais pas du tout cet auteur, avant de tomber par hasard sur l'hillarant - je pèse mes mots - Gâteau d'anniversaire, premier volume de la série publié en septembre 2005 chez Autrement jeunesse. Le dessin ne m'a pas particulièrement enchanté - le trait s'avère plutôt classique, et, tant par la thématique champêtre que par le coup de crayon, on se sent plutôt dans un livre jeunesse des années 50 -, même si les couleurs, très contrastées, sont plutôt réussies. L'histoire consiste en une suite de situations rocambolesques pour qu'un vieux bonhomme (Pettson) parvienne à rassembler les ingrédients nécessaires pour faire un gâteau d'anniversaire à son chat (Picpus). Gentiment loufoque, l'album met surtout l'humour au centre du livre, les personnages étant surtout prétextes à situation. Brillamment traduite par Paul Paludis, l'histoire est un vrai régal d'humour, qui fait de ce Gâteau d'anniversaire un délice à raconter.

On regrettera seulement la couverture, plutôt râtée, qui ne donne pas la mesure de l'univers caché dans ces pages et la réalisation de l'ensemble, qui paraît un peu baclée (pas d'effort sur la police, ni sur la présentation).

Autrement jeunesse, qui s'est attelé à la traduction de la série, en a déjà produit quatre titres. A la maison, on va essayer de se précipiter sur les trois autres.

A bon entendeur !

Pour commander le livre :
Sven Nordqvist, Le gâteau d'anniversaire, Autrement Jeunesse, 12,20 euros, 26 pages, ISBN : 2746707128.
Fnac.com - Amazon.fr - Chapitre.com

A voir aussi, Pettson n'a pas la pêche, Pettson piège le renard et Le jour où Picpus a disparu.

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Dessiner c'est regarder

Les fleurs, autrement

Depuis l'ouverture de ce site, c'est la première fois que j'ai le plaisir de recevoir un service de presse. Pourtant, ce n'est pas moi qui en ait profité. Ma fille aînée (6 ans) s'est jetée sur l'ouvrage en posant mille questions pour qu'on l'aide à déchiffrer ce que les mots y cachaient. Pas longtemps. Armée de ciseaux, papiers et crayons, elle s'est rapidement mise au travail. Le résultat a très vite été concret : en quelques dessins, sa façon de dessiner les fleurs avait changé. Fini les marguerites multicolores dont elle nous tartinait des pages entières, les fleurs sont devenues bien plus élaborées. La technique aussi.

S'il ne fallait retenir que cela de cet ouvrage pratique et pédagogique, nous pourrions dire, assurément, que le pari de Myriam Tiberghien, auteure et éditrice, est déjà gagné.

Je n'aurais certainement jamais acheté Je dessine les fleurs sauvages paru aux jeunes éditions lyonnaises Mitik. D'abord parce que ce n'est pas forcément le type d'ouvrage vers lequel se porte mes choix, ensuite parce que j'aurais certainement jugé que c'était un ouvrage pour les plus grands - et ce n'est pas faux.

Le livre explique, pas à pas, comment observer, mémoriser et dessiner des fleurs. Après avoir expliqué tout des fleurs, le livre apprend à observer les fleurs (avec notamment un tableau pour aider à la décomposition méticuleuse de la forme et des caractéristiques des plantes, des feuilles, de la tige...). Puis, il présente en double page une vingtaine de fleurs. Chacune est accompagnée d'un dessin pleine-page, toujours réalisé par des enfants dans une technique différente, et de quelques explications et caractéristiques également illustrées. L'ouvrage se termine par quelques conseils techniques pour dessinateur en herbe.

C'est l'illustration par l'exemple qui fonctionne le mieux. Les pleines pages accordées aux dessins de fleurs réalisés par les enfants (entre 6 et 14 ans) sont très enthousiasmantes. La diversité des couleurs, des formes et des techniques donne envie de faire pareil. Et c'est très vite qu'ils vont s'appliquer à faire aussi bien. Que demander de mieux.

Pour commander ce livre :
Myriam Tiberghien, Je dessine les fleurs sauvages, éditions Mitik, avril 2006, 64 pages, 17,90 euros, ISBN : 2-9526229-0-6.

Le livre n'est disponible chez aucun cyberlibraire traditionnel, mais vous pouvez le commander en ligne chez Nature et Découvertes.

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Attends un peu

Patience et générosité

Tous les matins, j’allais voir un petit arbre que j’avais pris en affection. Un jour, de sa branche il m’a tendu une fleur.

Et il m’a dit :
- Elle est pour toi.

Puis il a ajouté :
- Si tu ne la cueilles pas tout de suite, si tu attends, elle se transformera en fruit.
Je lui ai dit de me la garder jusqu’au lendemain, et j’ai réfléchi…
Dans un petit format de papier tendre, au coeur de douces aquarelles, vit un petit personnage simple et innocent qui parcours la nature. Un arbre lui offre la fleur qui vient de pousser sur sa branche. Alors qu'il va pour la cueillir, l'arbre lui propose d'attendre un peu, son fruit sera encore plus joli que sa fleur. Le personnage hésite et, finalement, attend. A chaque tentation qui bourgeonne, l'arbre propose au petit bonhomme de faire le choix d'attendre pour avoir mieux.

Bel hymne à la curiosité et à la patience, cette petite fabulette à réserver aux plus petits est aussi pleine de générosité et de confiance, à l'image des petites aquarelles pastelles de Monique Touvay. Un délice de douceur, aussi gourmand qu'une poire à croquer ou qu'une fleur à cueillir.

Pour commander ce livre :
Suzy Chic, Monique Touvay, Attends..., Didier jeunesse, mars 2006, 48 pages, 10,60 euros, ISBN : 2278056727.

Amazon.fr - Fnac.com - Alapage.com

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L'univers enchanteur des Passiflore

Passiflore : un plaisir simple

Je dois reconnaître que j’ai une petite affection pour les Passiflore. Cette série commerciale, aujourd’hui popularisée par des dessins animés et son flot de merchandising, mérite quelques hommages.

D’abord pour la douceur des dessins de Loïc Jouannigot. Ses grandes planches, riches en détails, font assurément le bonheur des enfants. Il faut dire qu’il a créé là un univers magique, assez envoûtant, fait de rondeurs et de tendresse, d’une profusion de substances qui rend le monde des Passiflore aussi réel que le nôtre. Et la richesse de l’ensemble compense le côté un peu lisse et un peu convenu du dessin.

Mais l’univers graphique ne serait rien sans la réussite des personnages : des petits caractères attendrissants et plutôt trempés avec des noms originaux qui donnent du corps à cet univers animalier. Les lapins – mais aussi les petits mulots qui vivent dans les recoins des pages – sont diablement réussis.

Les histoires de Geneviève Huriet sont courtes, bien rythmées, même si elles restent très consensuelles et traditionnelles. Bref, il n'y aurait presque rien pour bouder notre plaisir, si ce n’est le côté très inégal de la série. Les dessins des premiers albums n’ont pas la technicité acquise avec l’expérience. Et les histoires des dernières nouveautés sont devenues franchement indigentes et abêtissantes – ce doit être la rançon du succès. On les évitera scrupuleusement.

Au milieu de tout cela, je distinguerais néanmoins trois titres qui ne vous laisseront pas indifférents et que vous prendrez toujours plaisir à relire. Les beignets flambés est assurément le meilleur titre de la série. Dans cette histoire toute simple, à la morale un peu stricte – faut pas désobéir –, l’alchimie des grandes planches de Loïc fonctionne tout entier. Tante Zinia et l’Ogre de Kazoar et Les Passiflore déménagent sont également deux titres tout à fait recommandables.

Les Passiflore n’ont certes rien de révolutionnaire, mais leur efficacité est plutôt redoutable. Parfois, on ne demande rien de plus pour prendre plaisir.

 Pour commander ces livres :
  - Geneviève Huriet et Loïc Jouannigot, La famille Passiflore déménage, Milan, 1992, ISBN : 2867267773.
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- Geneviève Huriet et Loïc Jouannigot, Les beignets flambés, Milan, 1998, ISBN : 2841131351.
Amazon.fr - Fnac.com - Alapage.com
- Geneviève Huriet et Loïc Jouannigot, Tante Zinia et l’Ogre de Kazoar, Milan, 1991, ISBN : 2867266149.
Amazon.fr - Fnac.com - Alapage.com

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